Marie-Adélaïde ARSENE, la petite dentellière d’Abbeville

 

 

ABBEVILLE au XVIIIème siècle

 

Avant de découvrir Marie-Adélaïde, voici un peu d’histoire locale.  Elle nous servira à positionner la vie qu’aurait pu avoir la petite dentellière d’Abbeville.

-          XVIIIème siècle, l'Hôpital général, émanation du Bureau des Pauvres créé en 1581 pour enrayer la mendicité en fournissant aux mendiants et aux pauvres de la ville des moyens d'existence et en accordant l'hospitalisation aux vieillards et aux invalides.

-          1711, Hôpital Sainte-Anne des pauvres orphelins sous le vocable de sainte Anne. Il était situé rue des teinturiers. on l'appelait aussi de Saint-Joseph et de Sœur Claude nom de la fondatrice, Claude Foullon d'Abbeville. L'hospice est devenu au XIXème siècle une caserne.

-          1789-1790, ne connurent pas d'évènement majeur, la Révolution se déroula à Abbeville de façon paisible.

-          1791, les habitants souhaitèrent le rétablissement du roi malgré sa fuite et son arrestation. À la mort de Mirabeau, la Garde nationale d'Abbeville fit célébrer un office à l'église Saint-Vulfran.

Cinq paroisses subsistent (Saint-Gilles, Saint-Georges, Saint-Jacques, Saint-Sépulcre, & Saint-Vulfran) resteront ouvertes au culte. (En 1698, il existait une trentaine d'églises et de couvents qui sont disséminés dans la ville. Ces diverses communautés comptabilisent plus de 300 religieuses et religieux. Ce chiffre restera relativement stable au XVIIIème siècle)

-          1791-1793, l’Autriche le 6 juillet 1792 oblige l’Assemblée législative à contourner le veto royale proclamant, le 11 juillet 1792, la patrie en danger et en demandant à tous les volontaires d'affluer vers Paris. Les 5 districts (Amiens, Abbeville, Doullens, Montdidier et Péronne) du département de la Somme fournirent 8 bataillons et 1 compagnie. Des volontaires abbevillois participèrent à la Bataille de Valmy. La victoire fut célébrée à Abbeville où l'on chanta pour la première fois La Marseillaise.

-          1794-1795,  une société populaire se créa à Abbeville et tint des réunions dans l'église des carmélites, son action fut surtout dirigée contre le culte catholique. La collégiale Saint-Vulfran, fut transformée en temple de la Raison, des monuments furent profanés, des manuscrits et archives détruits ou dispersés.

Les vivres devenaient de plus en plus rares, ce qui provoqua quelques troubles.

La Convention rétablit la libre pratique du culte catholique. Dans la nuit du 4 au 5 janvier 1795, l'Hôtel de la Grutuze, où siégeaient les administrateurs du district, fut détruit par un incendie avec les objets d'art provenant des châteaux et églises des environs qu'il contenait.

-          1797, fut fondée la Société d'émulation d'Abbeville, première société savante créée dans le département de la Somme.

-          1798-1799, les hivers fut rigoureux, une partie de la ville, les quartiers Saint-Jacques, la chaussée d'Hocquet et les faubourgs des Planches et de Rouvroy furent inondés.

-          1803, le 18 juin Napoléon Bonaparte passe à Abbeville et logea chez le maire.

 

 

 

 

 

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La Manufacture des Rames

 

1665, fut créée à l'initiative de Colbert, qui avait demandé à un fabricant de draps et de tapisseries venus des Pays-Bas, Josse Van Robais, de venir s'installer en France, en contrepartie d'aides conséquentes.

Dès le départ, les textes autorisant la création de cette manufacture permettent d'embaucher 40 à 50 ouvriers et donnent l'autorisation aux Van Robais de pratiquer la religion protestante, même si Colbert leur conseille discrètement de se séparer d'un pasteur.

1710, le bâtiment actuel, construit avait pour fonction de regrouper en une seule entité les différents ateliers et boutiques éparpillés dans la ville au cours du développement de l'entreprise. Il comprend une porte d'entrée monumentale, de style Louis XVI, ornée de rinceaux, l'imposte quant à elle est ornée d'une nef évoquant le commerce maritime et la Conquête de la Toison d'Or.

1724-1789, à son apogée, les Van Robais employaient 1 800 ouvriers dans leur établissement d'Abbeville et plus de 10 000 travailleurs à domicile, dans l'une des premières grandes manufactures privées, selon l'historienne Odile Castel, dans «Histoire des faits économiques, la dynamique de l'économie mondiale du XVème siècle à nos jours». Ses productions étaient exportées vers toutes les grandes cours d'Europe.

1789-1812, au moment de la Révolution française l'activité jusque là prospère, rencontre quelques problèmes financiers. André van Robais s'associe alors avec le négociant Louis-Nicolas Amelin, la Manufacture devient la Société «van Robais, Amelin et Cie», celle-ci est dissoute le 10 frimaire an XI.

 

Courageuse Marie-Adélaïde !

 

 

 

 

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Paris, Musée du Louvre, inv./cat.nr. MI1448, Johannes Vermeer,

La Dentellière, ca. 1669-1671

 

 

Nous connaitrons très peu de renseignement sur sa vie. Elle naitra en 1769, puisque en l’an 1793 à Abbeville, à la naissance de sa fille Marie-Victoire, sera dite enfant trouvé de l’hôpital général de Paris, ouvrière en dentelle âgée de 24 ans.

Essayons de retracer ce qu’aurait pu être sa vie!

Il est pratiquement impossible de retrouver son dossier d’admission à  l’hôpital général de Paris. Parmi les 7 hôpitaux que regroupe l'hôpital général de Paris, il y a: la Salpêtrière pour les femmes et les jeunes filles; Saint-Antoine où sont reçus les enfants trouvés et la Pitié, autre hôpital des enfants trouvés, mais incomparablement plus grand. On les garde dès l’âge de quatre ans jusqu'à douze ans. Pour les garçons il y a des écoles de lecture, d'écriture, des écoles d'arts appropriés à leur âge. Pour les filles il y a aussi des écoles de lecture, d'écriture et on leur apprend en outre à tricoter des bas, à coudre. Lorsque les jeunes filles ont douze ans, elles sont menées aux ateliers de dentelle de Bicêtre.  L'hôpital place une partie de ces jeunes filles, quand elles sont en âge d'exercer leur art, elles sont placées dans des maisons honnêtes, ou envoyées en convois par des meneurs à la campagne ou dans les colonies.

Dans le fond  ancien de l'hôpital de la Pitié, il ne reste que quelques pièces, les archives ayant été détruites lors de l'incendie de 1871. Seules quelques copies d'extraits pris au milieu du XIXe siècle sur les originaux ont été préservées. Quant aux registres des « classes » de l'orphelinat à la Pitié de 1732 à 1800, ils sont conservés aux Archives de Paris. Retenons néanmoins la collection des répertoires et registres relatifs aux patients admis à la Pitié entre  1701-1969. Afin de connaître l'intégralité des pièces et articles concernant la Pitié, il faudrait consulter le fonds de l'institution chargée de son administration de 1657 à la fin de la Révolution (l'Hôpital Général). Les dossiers, sont clôturés, quand la tutelle s'interrompt, à la date de la majorité de l'enfant. Il peut être complété, en cas de lacune, par les bordereaux de meneurs, des registres d'envoi à la campagne ou des feuilles de convois.

Nous pouvons tout à fait imaginer :

Marie Adélaïde arrive en 1773 à l'hôpital général de Paris à l'âge de quatre ans. Vers 1781 à l’âge de 12 ans, elle commence son apprentissage dans les ateliers de dentelle de Bicêtre. Puis à la fin de son apprentissage, elle sera envoyée en convoi par un meneur et placée en tant que ouvrière en dentelle dans la manufacture de drap à Abbeville. Il est dit que, les Van Robais employaient 1 800 ouvriers dans leur établissement d'Abbeville et plus de 10 000 travailleurs à domicile.

 

Que lui est-elle arrivée dans l’année 1792 ?

 

Cette année là, il y a eu un mouvement de troupe dans la ville. Des volontaires abbevillois participèrent à la Bataille de Valmy (20 septembre 1792). La victoire fut célébrée à Abbeville où l'on chanta pour la première fois La Marseillaise. Est-ce la cause du mouvement de troupe, que Marie-Adélaïde rencontra un militaire ou un abbevillois… . Il en résulte qu’elle portera un enfant. Le 19 mars 1793, elle mettra au monde une fille, nommée Marie Victoire, comme la « victoire » de Valmy. Sur l’acte de naissance elle est dite enfant illégitime.

Transcription :

Aujourd'hui vingt mars mil sept cent quatre vingt treize, l'an second de la république française à quatre heures du soir, par-devant moi Charles Gabriel Caron, officier public de la commune d'Abbeville [-] des paroisses St. Gilles et St. Saint-Sépulcre.  Sont comparu le citoyen Jean François Nicolas Daussé accoucheur demeurant rue de Larquet, assisté des citoyennes Marie Victoire Thiebault épouse dudit Daussé et de Marie Marguerite Mallet demeurant tous rue de Larquet. Lequel Daussé nous a déclaré à moi Caron que Marie Adélaïde Arsène fille de l'hôpital général de Paris, ouvrière en dentelles, âgée de vingt quatre ans est accouchée dans sa maison hier sous les onze heures du soir d'une enfant femelle et illégitime que lui Daussé ma présenté et auquel il donne les prénoms de Marie Victoire. D'après cette déclaration que les citoyennes Marie Victoire Thiebault et marie marguerite Mallet ont certifié le présent acte que Jean François Nicolas Daussé Chirurgien et les deux témoins ont signé avec moi fait dans la maison commune d'Abbeville  les jours mois et au susdit.
Signatures de Daussé et de Caron.

Puis, dans les registres paroissiaux de, Abbeville,  nous ne retrouvons plus leurs traces.

 

Sa descendance

 

 

Comment Marie-Victoire, fille de Marie-Adélaïde, se retrouve t’elle à Paris comme Blanchisseuse?

 

Enfin, des jours heureux ! un mariage à l’horizon …

 

Marie-Victoire ARSENE :

Du jour de sa naissance le 19 mars 1793 à Abbeville, jusqu’au jour de la naissance de son premier enfants en 1822 à Paris, nous ne connaîtrons pas son parcourt de Abbeville à la capitale. Sa mère Marie-Adélaïde, l'aura telle suivi dans ce parcourt?  Elle épousera avant 1821, Ernest Joseph CARRIERE dit en 1813 cocher bourgeois, demeurant au 32 rue d'Anjou faubourg St-Honoré Paris, fils de Henry CARRIERE et de Catherine-Joseph MAUR, habitants de leur vivant à Grapfontaine-Neufchâteau (Luxembourg).

Le couple, de 1822 à 1831, habitera au 11 rue du Dragon, Paris,

Ils auront de leur union comme enfants connus:

-          Henry Joseph CARRIERE, baptisé le 15/07/1822, paroisse Saint-Germain-des-Prés à Paris

-          Jules Romain CARRIERE, baptisé le 02/03/1825, paroisse Saint-Germain-des-Prés à Paris

-          Marguerite Victoire Jenny Désirée CARRIERE, (seule petite fille de Marie-Adélaïde), qui suivra

-          Auguste Ernest CARRIERE, baptisé le 29/04/1831, paroisse Saint-Germain-des-Prés à Paris

Elle décèdera à l’âge de 88 ans le 07/03/1882, à son domicile 61 rue Myrha Paris, vivant avec son petit-fils Charles Camille BODEAU, peintre, elle est dite sans profession et elle sera inhumée au cimetiere de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis, France) le 11 mars 1882.

 

 

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Marguerite-Victoire-Jenny-Désirée CARRIERE

Archives de famille

 

 

Marguerite-Victoire-Jenny-Désirée CARRIERE (Petite fille de Marie Adélaïde) :

Naîtra le 02/10/1828 et sera baptisée le 04/10/1828, Paris, paroisse Saint-Germain-des-Prés.

Elle sera mariée à Camille BODEAU, peintre en bâtiment le 17/04/1847, Paris, paroisse Saint-Laurent.  Pour Camille il est dit, fils mineur de J.F.A. BODEAU et de Marie Pauline TABARIE, demeurant de droit 8 rue de Port Mahon Paris paroisse Saint-Roch et de fait 24 rue de Bondy Paris paroisse Saint-Laurent. L'affichage des 3 bans ayant été effectué, paroisse St Roch Paris et paroisse St Laurent Paris. L'épouse réside également au 8 rue de Port Mahon Paris paroisse Saint-Roch, même maison, elle est dite blanchisseuse puis au décès de son mari en 1885, journalière à Pontoise (95) demeurant 12 rue du Tribunal. Puis lors du recensement de population de 1886 Marguerite vivait toujours à la même adresse, avec Aîmée Robert blanchisseuse veuve Dardare et son fils Charles Dardare. Cette Aïmée Robert au recensement de 1881, vivait avec son fils Charles au 12 rue du Tribunal, le couple Bodeau/Carriere n'était pas cité. Marguerite décédera à Mézy (78) le 21/03/1900 à l'âge de 71 ans

Ils auront de leur union comme enfants connus:

-          Léon (jumeaux décédé, âge 1 jour)

-          Albert (jumeaux décédé, âge 2 jours)

-          Charles Camille (vivait vers 1879 avec sa grand-mère Marie-Victoire ARSENNE, au 61 rue de Myrha Paris, peintre en bâtiment, restaurateur, Armée: Caporal

-          Pierre Edouard

-          Léontine Camille, fille de Magasin

 

 

Sources: Sources Archives